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La sérénité psychologique, clef des grandes équipes

Les chroniques de Laurent Choain dans Personnel, la revue de l'ANDRH présentent quelques uns des penseurs qui parlent à l’oreille des dirigeants tout en essayant de promouvoir une société plus consciente, au service du développement humain. Aujourd’hui, Amy Edmondson, ou pourquoi et comment développer un environnement de travail psychologiquement rassérénant.
Sommaire

Qui est Amy Edmondson ? 

Amy Edmonson est professeure de leadership et de management à la Havard Business School, titulaire de la chaire Novartis. Elle est classée au Thinkers50 depuis 2011 et y atteint la troisième place depuis 2019.

>> Extrait du numéro de mars-avril 2020 de Personnel, la revue de l'ANDRH. Retrouvez le numéro complet en ligne dans l'espace réservé aux abonnés.  

Amy Edmondson – la sérénité psychologique, clef des grandes équipes

Toutes les époques ont leur entreprise emblématique, qui influence la pensée et les pratiques managériales. Incontestablement, Google occupe aujourd’hui une place iconique dans les pratiques innovantes en management. Récemment c’est le projet Aristote qui a retenu l’attention des observateurs et des praticiens. Après avoir étudié en détail les pratiques des managers qui réussissent, Google a lancé en 2012 une étude inédite par son ampleur afin de déterminer quels étaient les facteurs clefs de réussite des équipes projet les plus performantes. 
 

« Les travaux d’Edmondson établissent une corrélation positive, au sein d’équipes de travail, entre sérénité psychologique, innovation, croissance et performance. »

De cette étude portant sur 250 attributs de 180 équipes, mené par la jeune chercheuse Julia Rozovsky, il est ressorti en 2014 que cinq attributs spécifiques caractérisent les équipes les plus performantes : la co-dépendance des membres du groupe, la clarté des buts, le sens, l’impact mais surtout un cinquième, en réalité primordial, qui conditionne l’efficacité de tous les autres : psychological safety, traditionnellement traduit par « sécurité psychologique », alors que sans son sens le plus approprié est « sérénité psychologique ».  

Cette notion de « sérénité psychologique » a été forgée au milieu des années 90 par Amy Edmondson, dont les travaux initiaux portaient sur le milieu médical, où la peur et le sentiment d’insécurité faisaient faire des erreurs fatales au personnel soignant et aux médecins. 

Les travaux d’Edmondson établissent une corrélation positive, au sein d’équipes de travail, entre sérénité psychologique, innovation, croissance et performance

C’est le cas par exemple de Pixar, probablement le studio d’animation le plus inventif qui, sous la direction de Ed Catmull, a formalisé les règles d’un fonctionnement serein d’équipes pourtant confrontées à la nécessité d’une critique permanente de leur travail de création. Catmull explique ainsi qu’il faut constituer un « braintrust », avec des règles du jeu précises : 

  • ne jamais critiquer les personnes mais seulement les projets, et en retour ne pas prendre les critiques personnellement, 
  • ne faire que des suggestions, pas des prescriptions, de sorte que le propriétaire du projet le demeure 
  • le feedback est candide et sans agenda caché 
  • le propriétaire du projet a le droit à l’échec – et non seulement à l’erreur. 

Il faut ajouter à cette courte liste un autre principe important et assez contre-intuitif : nulle critique ne doit rester secrète, ou être partagée discrètement en l’absence de son principal destinataire.             

A l’inverse, Edmondson a aussi étudié les corrélations négatives, autrement dit les environnements de travail consciemment ou inconsciemment toxiques. En particulier, elle démontre comment, dans les cultures poussant les paramètres de la performance en mode d’urgence, les comportements déviants des « performeurs » sont excusés par principe et par avance. Sauf que ce qui était une coterie tacite possible est devenu totalement transparent à l’ère des réseaux sociaux, et engage dangereusement l’image des organisations qui les protégeaient sans grand risque jusqu’alors.   

« La première des attitudes de leadership pour créer de la sérénité psychologique est de montrer que vous savez apprécier l’effort quel que soit le résultat. »

Trois phases pour créer des environnements sereins 

Amy Edmondson décrit trois phases à respecter pour créer un climat de sérénité psychologique

1. Préparer le terrain (set the stage)

Et en particulier, dédramatiser l’échec a priori, pas a posteriori. Le rôle du leader en particulier est de découpler la peur et l’échec. Cela consiste généralement, dès le début, à faire comprendre qu’apprendre de l’échec fait partie de la dynamique de succès des entreprises et des projets complexes. Les deux autres éléments dans cette phase sont d’encourager à s’exprimer et de rappeler en permanence le sens général de l’action

2. Provoquer la participation (invite participation)

C’est la phase « Columbo ». Cela repose d’abord sur l’humilité situationnelle, en d’autres termes afficher qu’on ne sait pas, et ainsi solliciter les avis, les opinions des autres. Ensuite il faut être un enquêteur tenace, c’est-à-dire poser de nombreuses questions, candidement. Enfin il faut créer des « bourses du savoir », en réalité des espaces [informels] d’échanges et de discussion.

3. Répondre de manière constructive (respond productively)

La première des attitudes de leadership pour créer de la sérénité psychologique est de montrer que vous savez apprécier l’effort quel que soit le résultat. Ensuite, et nous l’avons vu, il faut savoir ne pas stigmatiser l’échec ou l’erreur. Enfin, et ce n’est pas contraire à la création d’environnements psychologiques sereins, il est essentiel de sanctionner les violations évidentes des règles de fonctionnement du groupe. 

Les travaux d’Amy Edmondson montrent à quel point les apports des gourous modernes du management présentés dans cette série s’entremêlent et sont cohérents. La prévalence de la résilience sur l’efficience chère à Roger Martin, la révolution du sens de Fred Kofman, l’importance de ne pas chercher à tout prix à gagner, ainsi que le rappelle Marshall Goldsmith, pour ne citer que trois d’entre eux, invitent à un leadership à la fois plus simple, plus humain mais surtout plus efficace et plus serein. A l’évidence, le gouvernement des nations prend une tout autre tournure, et cette divergence des leaderships est un fait nouveau et intéressant de l’époque.

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Les intervenant(e)s
Laurent Choain,
Chief leadership, Education & Culture chez Mazars
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