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Ce que la justice dit de vos pratiques RH en 2025 : 6 exemples récents

Licenciement pour faute grave, vidéosurveillance, arrêt maladie, rupture conventionnelle, discrimination syndicale… Certaines décisions RH peuvent sembler évidentes sur le moment, mais se révèlent juridiquement fragiles une fois portées devant les juges. Dans cette sélection de jurisprudence récente, la Cour de cassation rappelle les précautions à prendre pour sécuriser vos pratiques : preuves suffisantes, délais à respecter, droits des salariés protégés, usages licites des outils de contrôle… Autant de lignes rouges à connaître pour éviter les contentieux.

Discrimination syndicale & preuve


Un salarié peut-il prouver une discrimination syndicale par la seule proximité entre sa candidature aux élections professionnelles et des sanctions disciplinaires ?


NON. La seule coïncidence temporelle entre la candidature syndicale et des sanctions ne suffit pas à prouver une discrimination. Il faut des éléments suffisamment précis et concordants pour faire naître une présomption de discrimination.

En l’espèce, un salarié annonce sa candidature aux élections professionnelles. Peu après, il est visé par plusieurs mesures : avertissements disciplinaires, proposition de rupture conventionnelle, puis licenciement pour faute (reproche de récupération illégale de métaux sur le site). Il saisit la justice pour faire reconnaître un licenciement nul pour discrimination, estimant que les mesures prises à son encontre sont liées à son engagement syndical.
La Cour de cassation rejette sa demande. Elle rappelle qu’il revient au salarié, même protégé, d’apporter des éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination. La seule chronologie ne suffit pas à établir une telle présomption. En l’espèce, les faits reprochés par l’employeur (récupération illégale de métaux) étaient objectivement établis par des témoignages concordants, ce qui constituait une justification légitime à la procédure engagée.


Cass. soc., 18 juin 2025, n° 24-14.096


Rupture conventionnelle & licenciement pour faute grave


Un employeur peut-il refuser de verser l’indemnité de rupture conventionnelle si le salarié est licencié pour faute grave avant son départ ?


NON. Une fois la rupture conventionnelle homologuée, l’indemnité convenue est acquise, même si le contrat prend fin plus tôt à la suite d’un licenciement.


En l’espèce, un salarié et son employeur signent une rupture conventionnelle le 15 janvier 2018, avec une prise d’effet prévue au 30 juin. La convention est homologuée le 20 février. Mais courant avril, l’employeur découvre des faits de harcèlement sexuel imputables au salarié et le licencie pour faute grave avant la date de départ convenue. Il refuse alors de verser l’indemnité prévue, estimant que la rupture conventionnelle est devenue « non avenue ».
La Cour de cassation rappelle que l’homologation rend la convention opposable. L’indemnité spécifique de rupture est acquise dès ce moment, même si un licenciement vient mettre fin au contrat avant la date prévue. Le licenciement n’annule pas la convention. Il peut l’écourter, mais ne prive pas le salarié de ses droits, sauf si une rétractation a été formalisée, ce qui n’était pas le cas ici.


Cass. soc., 25 juin 2025, n° 24-12.096 (publié au Bulletin)


Licenciement économique & comportement fautif de l’employeur


Un salarié peut-il contester son licenciement économique à cause de choix stratégiques discutables du dirigeant ?
 

NON, sauf en cas de faute intentionnelle ou particulièrement grave du dirigeant.

En l’espèce, une entreprise du bâtiment est placée en liquidation judiciaire, entraînant le licenciement économique de 187 salariés. Plusieurs d’entre eux contestent leur licenciement, en invoquant les fautes de gestion du dirigeant : tenue irrégulière de la comptabilité, absence de dépôt des comptes annuels, passif faussé, et condamnation à une interdiction de gérer. Ils reprochent aussi à l’employeur des choix stratégiques mal adaptés.
La Cour de cassation rejette leur demande. Elle confirme que le juge n’a pas à apprécier la pertinence des choix de gestion de l’employeur, dès lors qu’ils ne sont ni frauduleux, ni délibérément nuisibles. En l’occurrence, les erreurs de gestion ne suffisent pas à remettre en cause le motif économique. Seule une faute intentionnelle ou frauduleuse de l’employeur pourrait priver le licenciement de sa cause réelle et sérieuse.


Cass. soc., 1er juillet 2025, n° 24-13.389


Vidéosurveillance & preuve disciplinaire


Un employeur peut-il utiliser des images de vidéosurveillance installées pour la sécurité comme preuve d’une faute grave ?
 

OUI. Un système de vidéosurveillance installé à des fins de sécurité peut être utilisé pour sanctionner un salarié, à condition que certaines garanties soient réunies.


En l’espèce, un opérateur de sûreté aéroportuaire est licencié pour faute grave après avoir été filmé, via les caméras de sécurité de l’aéroport, en train de manquer à ses obligations de contrôle des bagages cabine. L’employeur se fonde sur les enregistrements issus du dispositif de vidéosurveillance pour justifier la rupture immédiate du contrat. Le salarié conteste, estimant que les caméras n’avaient pas été installées dans le but de le surveiller individuellement et que les images ne pouvaient donc servir de preuve disciplinaire.
La Cour de cassation rejette cet argument. Elle admet que les images peuvent être valablement utilisées, même si le système n’était pas destiné à contrôler les salariés, à condition que le dispositif poursuive une finalité légitime, que les salariés en soient informés, et que le traitement des données respecte le RGPD.


Cass. soc., 21 mai 2025, n° 22-19.925 (publié au Bulletin)


Faute grave & délai de réaction de l’employeur


L’employeur peut-il licencier un salarié pour faute grave plus d’un mois après avoir eu connaissance des faits ?
 

NON, sauf si ce délai est justifié.
 

En l’espèce, une assistante de direction est licenciée pour faute grave au motif qu’elle aurait, en l’absence de sa supérieure hiérarchique, profité de ses fonctions pour s’affranchir des règles internes de contrôle du temps de travail. L’employeur engage la procédure de licenciement près de 6 semaines après avoir eu connaissance des faits, sans mener d’investigation complémentaire. La salariée conteste la gravité de la faute, estimant que le délai de réaction trop long de l’employeur exclut toute qualification de faute grave.
La Cour d’appel donne raison à l’employeur, considérant les faits fautifs établis et suffisamment graves. Mais la Cour de cassation censure cette décision : le juge aurait dû vérifier si le délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure était compatible avec la notion de “faute grave”, laquelle suppose une réaction rapide dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.


Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-16.119


Arrêt maladie & activité rémunérée


Un salarié peut-il être licencié pour avoir travaillé pendant un arrêt maladie ?


OUI. Travailler pendant un arrêt maladie peut constituer une faute grave, même sans clause d’exclusivité, dès lors que cela contrevient aux obligations contractuelles ou statutaires. Dans les entreprises soumises à un statut spécifique (comme EDF, Enedis, etc.), les règles internes peuvent suffire à fonder une sanction, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice pour l’employeur.


En l’espèce, un salarié, soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG), réalise 8 missions rémunérées pour un autre organisme de formation pendant toute la durée de son arrêt maladie. Son employeur prononce une mise à la retraite d’office pour faute grave. Le salarié soutient que l’activité exercée durant son arrêt maladie n’a causé aucun préjudice à son employeur, et ne révèle aucun comportement déloyal.
La Cour de cassation valide pourtant la sanction. Elle rappelle que l’article 22 du statut IEG interdit formellement toute activité professionnelle pendant un arrêt maladie, sauf autorisation. Cette règle, propre à ce statut, prévoit des sanctions disciplinaires graves indépendamment de l’existence d’un préjudice. En l’occurrence, la récurrence des missions (8 au total) et leur caractère rémunéré ont suffi à caractériser une violation statutaire grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.


Cass. soc., 25 juin 2025, n° 24-16.172

Photo : Canva
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