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Le smart working : terreau pour des négociations au niveau de l’entreprise

Le véritable smart working se distingue du simple travail à distance par la grande liberté de choix du travailleur en ce qui concerne les horaires et les lieux de l'exécution du travail. Sur ce sujet, une politique d’entreprise qui vient homogénéiser les pratiques est incontournable. Retour sur les pratiques de négociations des entreprises italiennes sur le smart working avec Marie-Noëlle Lopez.
Sommaire

Article issu de notre magazine (numéro 606 novembre 2020)

Pour opérer ce type de transformation, les entreprises qui ont une culture de dialogue social, culture répandue en Italie, optent pour la négociation collective. D’autant que pour elles, l’introduction du smart working dans leur organisation représente aussi une opportunité de nourrir un partenariat social.

« Dès son introduction en 2017, le smart working avait été conçu comme une modalité d’exécution du rapport de travail « sans contraintes précises d’horaires ou de lieu de travail et avec l’utilisation possible d’instruments technologiques ». » 

En effet, l’Italie est un pays de relations professionnelles fortes, mais le niveau prédominant et structurant reste la branche où se négocient des conventions collectives nationales qui régissent la majeure partie des conditions de travail. Les accords d’entreprise y ont longtemps été résiduels en dépit des efforts, notamment des partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, pour décentraliser la négociation. 

Une dernière tentative a ouvert aux entreprises la possibilité de saisir des thèmes en lien avec l’organisation du travail, et l’introduction du smart working en 2017 dans le droit national a permis de faire figurer ce sujet sur la table des négociations des entreprises. 

Un levier pour développer la négociation d’entreprise

Et dans les faits, ce sujet a participé au développement ces dernières années d’une véritable dynamique de la négociation d’entreprise constatée depuis 2009, dynamique à l’intérieure de laquelle les accords portant sur le déploiement du smart working ont pris une place croissante. 

"Dès le déconfinement, les entreprises italiennes se sont lancées dans des négociations pour mettre en place des expérimentations plus ambitieuses."

Ainsi, la majorité des accords d’entreprise sur l’organisation du travail définissent les modalités de cette nouvelle façon de travailler, même si ce thème générique de l’organisation du travail reste encore très peu appréhendé au niveau de l’entreprise (13% des accords seulement l’abordent, l’essentiel de la négociation portant sur le salaire de productivité et les sujets welfare). 

Mais cette photographie date d’avant le confinement. Ce dernier, en Italie comme partout, a poussé à changer le regard sur le travail à distance. Dès lors, dès le déconfinement, les entreprises italiennes se sont lancées dans des négociations pour mettre en place des expérimentations plus ambitieuses d’un smart working plus proche de son esprit initial et ne se limitant pas à du télétravail. En effet, dès son introduction en 2017, le smart working se proposait de bouger les lignes puisque ce « travail agile » avait été conçu comme une modalité d’exécution du rapport de travail « sans contraintes précises d’horaires ou de lieu de travail et avec l’utilisation possible d’instruments technologiques ». 

« Le smart working, dans son essence, implique de définir un management et des méthodes d’évaluation basés sur la réalisation des objectifs. »

Les entreprises s’en emparent

Le smart working chez TIM (ex Telecom Italia) : 

Direction et syndicats ont conclu un accord début août 2020, qui pose les bases d’une expérimentation sur le travail agile jusqu’au 31 décembre 2021. Cet accord met en place deux modalités alternatives comportant un degré d’autonomie différent suivant les services et les tâches. Ainsi, le travail agile « journalier » s’applique aux services « caractérisés par des activités réalisées par objectif avec un niveau adéquat d’autonomie et de flexibilité horaire ». 

Il prévoit chaque semaine : 2 jours à distance, 3 jours en présentiel et la possibilité d’effectuer 12 journées supplémentaires de travail agile par an. Le travail à distance doit être effectué dans une tranche horaire comprise entre 8h et 20h (avec une pause déjeuner d’une durée de 30 à 120 minutes), et le travailleur doit assurer sa disponibilité entre 10h et 12h30 et entre 14h30 et 16h30. 

La modalité « hebdomadaire » est appliquée dans les services où une organisation par objectifs est impossible et où il est indispensable de travailler sur des tranches horaires spécifiques. Cette modalité « s’articule en journées/semaines alternées selon un schéma prédéfini – 50% au siège et 50% à distance », précise l’accord. Ce dernier prévoit par ailleurs que l’accord individuel qui doit être signé par les travailleurs concernés « implique l’adhésion au nouveau modèle de travail fondé sur l’alternance siège/travail agile », soit le projet de desk sharing mis en place par TIM, qui « garantit une utilisation plus efficiente des immeubles ». 

« Les nouvelles méthodes de management et d’évaluation devraient être le prochain chantier des négociations... »

Un exemple peut être tiré de l’accord signé en mai entre Sanofi et les syndicats qui vise précisément à donner un coup d’accélérateur au travail agile en permettant aux salariés des sièges du groupe (hors informateurs scientifiques et sites de production, donc) de travailler en smart working jusqu’à 5 jours par semaine jusqu’au 31 décembre 2020. Surtout, les signataires préviennent qu’il ne s’agit pas d’un simple travail à distance, mais d’un vrai travail agile, dans l’optique, selon le groupe, de « dessiner la culture du travail de demain ».

Des politiques globales

Les entreprises peuvent également porter ce modèle de travail dans leur politique mondiale. Le 20 octobre, le groupe bancaire UniCredit a signé avec son CE européen une déclaration conjointe prévoyant la mise en œuvre progressive dans tous les pays où le groupe est implanté d’une organisation du smart working. Elle prévoit pour les employés des sièges la réalisation de 40 % du temps de travail à distance, à répartir sur une base hebdomadaire ou mensuelle (c'est-à-dire en moyenne 2 jours par semaine), un pourcentage fixé à 20 % dans le réseau, à répartir également sur une base hebdomadaire ou mensuelle (c'est-à-dire en moyenne 1 jour par semaine).

Forts sur la définition des modalités de travail à distance/présentiel, les partenaires sociaux sont moins présents quand il s’agit de penser dans les accords les modes managériaux. Or, le smart working, dans son essence, implique de définir un management et des méthodes d’évaluation basés sur la réalisation des objectifs. Ce sujet doit d’ailleurs être défini dans le document contractuel qui doit être conclu entre le salarié et l’employeur. Ces nouvelles méthodes de management et d’évaluation devraient être le prochain chantier des négociations...

Les intervenant(e)s
Marie-Noëlle Lopez,
Associée et fondatrice de NewBridges
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