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"C’est la prochaine génération, la Gen Alpha, qui transformera l’entreprise avec l’IA, pas la Gen Z"

À tout juste 30 ans, Thomas Thellier incarne la tranche la plus âgées de la Gen Z. Consultant en Achats chez AXYS, passé par les Achats dans un groupe hôtelier, il revendique un parcours “pluriel”, curieux et agile, à son image. Il fait partie de cette nouvelle génération de talents – à la frontière entre les milléniaux et la Gen Z – qui projette le management autrement : plus humain, plus aligné, plus responsable.

Vous décrivez votre parcours comme “particulier” : pourquoi ? 

 

Thomas Thellier : Parce que j’ai toujours cherché à être un couteau suisse. Je n’ai jamais voulu me cantonner à une seule spécialité. Que ce soit dans mes études ou mes expériences pro, j’ai touché à tout : management, achats directs et indirects, supply chain, puis conseil. Aujourd’hui, cette capacité d’adaptation, cette agilité, c’est devenu ma force. 

 

Il y a beaucoup de discours sur la génération Z : paresseuse, instable, trop exigeante… Comment vous positionnez-vous face à ce “Gen Z bashing” ? 

 

T.T. : J’ai un pied dedans, un pied dehors. Je comprends certaines critiques, surtout quand on sort d’école de commerce et qu’on arrive avec l’idée qu’on va tout révolutionner. Mais il faut être lucide : les boîtes n’ont pas attendu qu’on débarque pour tourner. Et il y a des collaborateurs en place depuis 20 ou 30 ans qui ont appris sur le tas, qui ont fait leur chemin. Le choc des générations, il est là : d’un côté des jeunes formatés, qui pensent tout savoir ; de l’autre, des seniors avec une expérience énorme mais parfois méfiants face au changement. Ce n’est pas du bashing, c’est un manque de dialogue générationnel qu’il faut au contraire encourager. ‘’ 

 

"Le parcours professionnel doit prévoir des points d’étapes pour se donner la possibilité de changer de voie"

Parmi les marqueurs forts de votre génération, il y a aussi l’équilibre vie pro / vie perso. Pour vous, c’est un sujet important ? 

 

T.T. : Oui, très. On ne peut pas être bien dans son travail si on n’est pas bien dans sa vie perso. C’est une question de performance, mais aussi de sens. J’ai vu trop de gens faire des burnouts, y compris dans des ONG qui, sur le papier, “avaient du sens”. L’équilibre, ce n’est pas une option, c’est un socle. Et oui, on veut aussi que notre boulot soit utile, qu’il résonne avec nos convictions.

 

Ces convictions, justement. Est-ce qu’elles influencent vos choix de carrière ?

 

T.T. : Bien sûr. Il y a des entreprises dans lesquelles je ne veux pas travailler, parce que je ne partage pas leur vision, leur stratégie, ou simplement leurs valeurs. Aujourd’hui, on a accès à tout : les rapports RSE, les plans de développement, les actionnaires... Ce serait dommage de ne pas en tenir compte. 

 

"Le manager-chef doit faire place au manager-leader"

 

Et la hiérarchie, comment vous la voyez ? Beaucoup disent que la Gen Z refuse le management… 

 

T.T. : Moi, je veux devenir manager. Mais pas n’importe comment. Le modèle pyramidal ne me dérange pas en soi – il faut bien prendre des décisions. Ce que je rejette, c’est le management autoritaire, le contrôle pour le contrôle. Un bon manager, c’est quelqu’un qui écoute, qui inspire, qui tire les gens vers le haut. Ce n’est pas un chef, c’est un leader.

 

Si on se projette : vous êtes en 2050, vous êtes manager, dirigeant peut-être. Qu’est-ce qui aura changé ?

 

T.T. : J’espère qu’on aura gardé l’envie de faire les choses avec sens. J’espère qu’on aura su créer des entreprises plus humaines, plus ouvertes, plus responsables. Mais je suis aussi lucide : on va devoir faire face à des crises sanitaires, au dérèglement climatique, à l’instabilité géopolitique… Le vrai défi, ce sera de continuer à y croire, de ne pas se perdre en route. 

 

Et vous, à titre personnel, à quoi serez-vous attentif dans votre parcours ? 

 

T.T. : À m’assurer que ce que ce que je ferai aura bien un sens, avec un impact concret sur l’environnement et sur le bien-être de la société. Que j’apprenne, que je rencontre des gens différents et inspirants, que je sois stimulé. Le jour où je tournerai en rond, où je n’aurai plus envie, je ferai autre chose. J’ai vu trop de gens s’arrêter en plein vol parce qu’ils avaient perdu le goût. Moi, je ne veux pas m’ennuyer. 

 

"Notre génération privilégie un poste équilibré et porteur de sens à une carrière brillante mais épuisante."

 

L’intelligence artificielle fait déjà partie du paysage professionnel. Selon vous, qui va vraiment l’intégrer dans l’entreprise : votre génération ou la suivante ?

 

T.T. : Ce sera la suivante. Nous, on l’apprivoise, on commence à comprendre. La GenZ a grandi avec internet mais c’est la génération suivante, les ‘’Alpha’’ qui grandira avec l’IA. Et c’est comme l’arrivée d’internet ou du smartphone : la vraie rupture viendra avec ceux qui n’auront jamais connu un monde sans elle. Pour l’instant, on est encore dans les balbutiements.

 

À quoi ressemblera l’entreprise idéale, en 2050 ? 

 

T.T. : Il n’y a pas d’entreprise idéale. Il y a des entreprises qui correspondent à ce qu’on cherche à un moment donné. Ce qui compte, c’est qu’on s’y sente bien, qu’on soit reconnu, écouté, challengé. Une entreprise humaine, tout simplement. Le reste, ce sont des effets de mode.

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