Les membres de la Commission nationale juridique de l’ANDRH, ont produit l’ analyse critique du rapport préparé par Robert Badinter sur la réforme du Code du travail, présentée ci-après. Pour la commission le rapport comporte des principes essentiels mais pas tous indiscutables ! Elle souligne par ailleurs que les prochaines étapes de l’élaboration du nouveau code du travail seront cruciales.
Comme l’a souligné le Premier ministre dans son allocution du 25 janvier dernier, ce rapport « est un moment important car il ouvre la réécriture en profondeur de notre code du travail pour le rendre plus lisible, plus souple, plus adaptable à la réalité du terrain et plus efficace ; pour que les entreprises et leurs salariés puissent définir les règles qui leur conviennent le mieux ».
Le rapport Badinter comporte 61 articles, qui constituent, selon ses auteurs, les « principes essentiels du droit du travail », présentés en 8 sections :
Ces « principes essentiels du droit du travail » ont vocation à constituer la première partie du code du travail réécrit, dont l’architecture, a souligné le Premier ministre, distinguerait :
Globalement, les membres de la Commission juridique constatent que le rapport Badinter répond précisément aux objectifs qui lui ont été assignés et ne peut que constituer une base de réflexion fondamentale dans l’élaboration d’un nouveau code du travail.
La Commission juridique a constaté que, parmi les principes essentiels identifiéspar la Commission Badinter, certains revêtent une immanquable évidence car, même s’il est encore nécessaire de s’y référer afin de rectifier certaines décisions ou comportements, leur légitimité n’est plus discutée et ne saurait l’être dans un Etat de droit.
Ainsi en est-il notamment des principes suivants (la liste n’est pas exhaustive) :
Ces principes énoncés dans le rapport Badinter correspondent bien à l’objectif recherché.
En revanche, la Commission juridique relève que d’autres principes essentiels proposés peuvent prêter à discussion.
A son sens, certains principes anticipent sur l’évolution du droit, comme le principe proposé, selon lequel « La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale est recherchée dans la relation de travail » (article 9).
En effet, à ce jour, le droit positif prescrit le respect de l’équilibre entre la vie personnelle et familiale et la vie professionnelle pour les salariés en forfait jour, ou la prise en compte des contraintes personnelle et familiale dans une décision de mobilité professionnelle, dans la prise d’une sanction également. Mais le principe de la recherche même de la conciliation n’existe pas.
L’emploi de « rechercher » semble signifier que les décisions de l’employeur doivent être « guidées » par la poursuite de cet objectif à l’égal de celui du bon fonctionnement et du développement de l’entreprise. Ce qui apparaît excessif.
D’autres principes cristallisent des prises de positions encore très récentes et dont il est difficile d’affirmer qu’elles ne subiront plus d’évolutions, ou ne donneront plus lieu à débat politique, comme le principe proposé selon lequel « le repos hebdomadaire est donné le dimanche, sauf dérogation dans les conditions déterminées par la loi » (article 35, al. 2).
Ou encore le principe selon lequel « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché » (art. 6).
L’emploi du verbe « manifester » paraît aller bien au-delà du respect des convictions (« manifestations » sous toutes ses formes allant du prosélytisme, à l’exercice, au sein de l’entreprise, de pratiques religieuses).
L’ANDRH renvoie sur ce point à ses positions déjà exprimées, sur la question du fait religieux en entreprise.
Enfin, d’autres principes mériteraient d’être précisés ou explicités car leur portée apparaît incertaine, comme le principe proposé selon lequel « Chacun est libre d’exercer l’activité professionnelle de son choix » (article 11), qui peut interpeler dans le code du travail qui régit, en tout état de cause, les relations de travail salariées, ou le principe proposé selon lequel « Chacun doit pouvoir accéder à une formation professionnelle et en bénéficier tout au long de sa vie » (art. 20). La formulation interpelle : les salariés sont-ils les seuls visés par cet article ?
En conclusion, la Commission juridique souligne le grand intérêt de ce rapport et considère que l’énumération des principes essentiels en première partie du code du travail pourrait en effet constituer un corpus éclairant et donc juridiquement sécurisant dans le cadre des relations de travail. Mais, s’agissant d’un corpus de principes devant guider et encadrer les « normes » d’application, elle émet des réserves sur certains termes qui lui paraissent dangereux et inappropriés.
L’ANDRH considère que les prochaines étapes de l’élaboration du nouveau code du travail, au-delà des principes fondamentaux, seront cruciales.
L’association rappelle l’engagement pris par madame Myriam El KHOMRY, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, interpelée par l’ANDRH sur ce point, d’associer plus fortement encore les professionnels RH aux prochaines étapes de cette refonte du code du travail.